Etés argentiques
J'étais en train de photographier mes enfants avec mon boitier numérique, contrôlant, effaçant, recommençant avant même d'avoir terminé.
J'étais dans les starting blocks, prêt à mettre sous tension l'ordi, prêt à visionner les fichiers enregistrés plus tôt, cinq minutes plus tôt...
J'étais dans l'air du temps, pixellisé, emerveillé par le rendu sans faille de mon capteur...
A vivre par écran interposés, façades digitales, nous pensons tromper la solitude...
La photo n'échappe pas à ce phénomène...
Aussitôt prises, aussitôt regardées, aussitôt envoyées, déjà oubliées...
Nous croulons sous des milliers de giga octets, les uns remplaçant les autres...
Système de strates, ou les souvenirs sont écrasés par le poids de la multitude...
Eté 2012, j'ai troqué mon capteur cmos, par du film, APX, acros, triX...
60 films depuis 2012,
2160 photos,
Un classeur panodia,
On croit rêver !!!
Mes étés seront argentiques,
ils ont été argentiques...
J'ai du patienter à chaque fois pour les voir,
exposées sous le vent du sud, elles naissent aux premiers frimas...
C'est en hiver que je développe tout çà, xtol, ID11, rodinal, un peu de musique et du temps...
Du temps, un peu d'envie pour se mettre au labo, dans le noir aux effluves acétiques,
mais quel plaisir au moment de découvrir ses images sous la lumière bleutée du néon...
Je les avais oubliées le temps d'un été, rangées à l'abri de ma mémoire...
Elles sont maintenant à l'abri du temps, dans des pochettes acétates qui composent mes classeurs...
... classeurs dont les pages s'ouvrent comme celles d'un bouquin,
un bouquin du temps qui passe...
Je réserve la transformation positive du négatif quand le vent souffle dans les branches, quand l'humain s'absente des rues, histoire de revivre ces étés qui s'en vont...
Nuits noires et rêves barytés...
Le grain d'argent s'ajoute au grain de peau..
Dans une danse sensuelle,
ou les mains retiennent la lumière...
Sous l'agrandisseur, naissent les interprétations...
Le temps se fige d'un coup d'bturateur...
Afin de figer nos émotions...
Et de nous imaginer sous l'ovule pâle doués d'existence...
A travers l'objectif défier sa subjectivité...
Au delà du regard, la fébrilité de nos sens...
Détermine les contours de nos vies...
Et le rythme de nos absences...
Négatifs générationnels, traces de vie argentique, beauté de la page qui se tourne...
Travail réalisé en argentique avec un boitier canon EOS 5 de 1993...